MARY ELLEN DAVIS
 
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24 images : la revue québécoise du cinéma

Numéro 132 - mai 2007

Territories de Mary Ellen Davis par Robert Daudelin

Un engagement commun dans les luttes des peuples opprimés d'Amérique latine (un livre sur le Salvador, pour l'un ; trois films sur le Guatemala, pour l'autre) a constitué pour la cinéaste montréalaise Mary Ellen Davis et le photographe canadien Larry Towell un terrain propice de rencontre.

Comme dans le célèbre Glenn Gould de Koenig et Kroitor, l'artiste est ici filmé « on » et « off the record » : au travail au Mexique, aux États-Unis, en Israël et en Palestine, et en famille dans sa ferme de Bothwell (Ontario). Cette alternance qui, à première vue peut sembler facile, s'avère une façon aussi naturelle qu'appropriée de traduire l'engagement du photographe : pourquoi en effet s'échapper du bonheur champêtre et sans histoire pour aller photographier l'exploitation, l'occupation et la misère, sans parler de l'arrogance mécanique des militaires israéliens ?

Towell, pour reprendre ses propres mots, est un humaniste : le visage humain, avec toutes les histoires qu'il archive, le fascine autant qu'il l'émeut. S'il revendique explicitement l'héritage de Cartier-Bresson (« le moment décisif »), ses photos, dans leur mouvement même et dans le rapport des personnages photographiés au photographe, le disent immédiatement. Et Davis, le suivant pas à pas dans son nouveau projet (« The Altered Landscape »), rend tangible ce parti pris esthétique qui est en même temps une véritable éthique. Photographiant les murs honteux qui « modifient » le paysage, Towell passe de la frontière mexicano-américaine et sa clôture métallique aux dalles de béton israéliennes qui isolent désormais une grande partie du déjà restreint territoire palestinien. La cinéaste s'interdit tout commentaire : les quelques conversations du photographe avec les gens du lieu, et surtout ses réflexions (sur la photographie, son histoire personnelle, l'état du monde) font office d'information. Tout est dit, simplement, sans prétention, ainsi en est-il de cette bougeotte qui semble habiter le photographe et qu'il explique par un « keep walking » tout à fait convaincant. Membre de la célèbre agence Magnum, ayant découvert l'Amérique latine dès les années 1980 et la bande de Gaza (« le plus grand camp de réfugiés au monde », ce sont ses mots) en 1993, Towell photographie en connaissance de cause : les photos, en noir et blanc, sont toujours d'une grande richesse plastique et l'émotion les habite toujours.

Dans ce film, que d'aucuns pourront trouver trop modeste, la cinéaste s'est effacée pour nous permettre de mieux apprécier un grand artiste dont le travail s'inscrit dans une véritable culture de la résistance et qui réalise dans son approche ce que Joris Ivens appelait de tous ses voeux : que ce soit toujours en tant qu'artiste que le cinéaste (le photographe) s'engage.

Québec, 2007. Ré. : Mary Ellen Davis. Ph. : Mark Ellam. Mont. : Mariano Franco. Son : Pablo Villegas Hernandez et Juan Gutierrez. Mus. : Antoine Bustros. 64 min. Prod. : Périphéria Productions.

 

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